En se rendant sur son lieu de travail en transport en commun, Imane est prise à partie par un individu qui lui profère des injures à caractère raciale ainsi que des menaces. Elle reste choquée mais ne sait pas trop comment elle doit réagir face à cette situation. Comment peut-elle prouver son statut de victime ?
Pour faire reconnaître sa qualité de victime en droit, il convient de prouver l’existence du préjudice subi. La réparation du préjudice ne sera possible que si celui-ci répond à certains caractères.
1. Les caractères du préjudice
Un préjudice est réparable s’il présente les quatre caractères suivants. Il doit être :
- Certain : le dommage ne doit donc pas être éventuel. Toutefois, le préjudice peut parfaitement n’être que futur mais non hypothétique, ex. : un accident qui entraînera des conséquences certaines sur la santé de la victime ; le dommage peut même consister en une « perte de chance », exemple : un étudiant est empêché de passer un examen par un accident. Pour réparer ce dommage, les juges tiendront compte de la probabilité de réussite de son examen.
L’exigence de certitude du dommage est écartée dans certaines hypothèses :
Exemples : en matière d’atteinte au droit à la vie privée, la seule violation du droit à la vie privée suffit à engager la responsabilité de l’auteur et à ouvrir droit à réparation (Cour de cassation 1re civ., 5 nov. 1996). Il n’est donc pas nécessaire de justifier d’un dommage pour obtenir réparation sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
Aussi, en droit du travail, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation (art. L. 3121-20 du Code du travail), ou encore la perte injustifiée de son emploi par le salarié cause un préjudice réparable.
- Personnel : seule la victime du dommage peut en demander réparation, qu’il s’agisse de la victime directe ou de la victime par ricochet.
- Direct : le préjudice doit être clairement la conséquence du fait générateur de la responsabilité. En cas de dommages « en cascade », il appartient au juge de déterminer où s’arrête le dommage direct ;
- Porter atteinte à un intérêt légitime : la victime doit se trouver dans une situation conforme à la loi pour demander réparation. Ex. : une personne qui effectue un travail non déclaré ne peut pas en réclamer son salaire s’il n’a pas été versé ;
2. Les preuves
La personne doit par ailleurs réunir les pièces qui attestent l’infraction dont elle est victime et le préjudice subi. Les preuves vont différer selon le type de préjudice subi : corporel (blessures, infirmité, etc.), matériel (dégradation, destruction, etc.), ou moral (atteinte à l’honneur par exemple).
Les preuves peuvent consister en :
- Un dépôt de plainte ou rapport de police ;
- Certificats ou attestations établis par un médecin. Il peut s’agir du médecin traitant ou bien les urgences d’un hôpital. Après un dépôt de plainte, vous pouvez être dirigés vers un service d’urgence médico-judiciaire (UMJ). Un examen médical peut également être ordonné par le procureur de la République ou le juge d’instruction. Le certificat médical doit mentionner votre identité, votre témoignage, la description précise des blessures, lésions ou traumatismes subis et leur compatibilité avec vos déclarations. Le certificat mentionne aussi les conséquences physiques et psychologiques des blessures constatées et le nombre de jours d’incapacité totale de travail ;
- Photographies ;
- Témoignages ;
- Tout document attestant d’un dommage matériel et des frais engagés, ex. devis ou facture de réparation ;
- Contrat de travail en cas de perte de salaire Factures de réparation ;
- Captures d’écran, ex. : messages de harcèlement. La date et l’heure doivent être visibles. Vous pouvez aussi les sauvegarder sur un autre support ;
- Enregistrement sous certaines conditions ;
- Les URL de chaque contenu.
Pour toutes les infractions en ligne, conservez les preuves avant de signaler le contenu et avant que cela ne soit retiré, sinon vous ne pourrez plus engager de procédures pour faire valoir vos droits.
Vous pouvez même faire constater les contenus litigieux par un commissaire de justice.
Si vous avez effectué des signalements auprès de plateformes, faites des sauvegardes de vos démarches (ex : CNIL, PHAROS).
La charge de la preuve
La charge de la preuve ne sera pas la même selon que vous vous trouviez devant des juridictions civiles ou pénales.
Dans le système inquisitoire, appliqué en matière pénale et administrative, il incombe au juge de réunir les preuves.
Dans le système accusatoire, qui régit le procès civil, les parties, doivent apporter la preuve de leurs prétentions. L’article 9 du Code de procédure civile énonce ainsi qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
L’article 1353 du Code civil organise de manière chronologique l’ordre de production des preuves :
En premier lieu, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Il revient donc au demandeur à l’instance de supporter la charge d’établir la réalité des faits allégués. Ainsi, en droit de la responsabilité extracontractuelle, la victime d’un dommage devra, pour en obtenir réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, établir la faute du défendeur, le préjudice subi et enfin, le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Une fois que le demandeur a prouvé son allégation, c’est le défendeur à l’instance qui vient combattre les prétentions de son adversaire.
Une fois le préjudice subi prouvé, la victime peut obtenir réparation.
RÉFÉRENCES APPLICABLES :
Articles 1240 à 1244 du Code civil (responsabilité en cas de faute) ; Articles 1245 à 1245-17 du Code civil (responsabilité du fait des produits défectueux) ; Décret n°2005-113 du 11 février 2005 relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux ;
Art. 1146 et 1147 du Code civil (responsabilité contractuelle) ; Art.1382 et 1383 du Code civil (délits-quasi-délits) ; Article 1240 du Code civil ; Article 1353 du Code civil ; Articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; Art. L452-1 du Code de la sécurité sociale (accidents du travail) ; Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.