La discrimination directe

Qu’est-ce que la discrimination ?

Le cadre normatif général de la discrimination est fixé par l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (modifié par la loi n°2017-256 du 28 février 2017). La définition est déclinée dans le Code pénal, aux articles 225-1 et suivants et, le Code du travail comporte plusieurs dispositions qui prohibent les discriminations directes ou indirectes fondées sur un certain nombre de motifs prohibés (art. L. 1132-1 et suivants notamment).

La discrimination peut être directe ou indirecte.

Constitue une discrimination directe « la situation dans laquelle (…) une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable » (art. 1 loi n°2008-496 du 27 mai 2008).

La discrimination est un traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes en raison d’un critère prohibé par la loi (ex. : l’origine ethnique, la langue, le nom, le sexe, etc.) dans un domaine déterminé par la loi. Pour caractériser une discrimination, il faut donc une inégalité de traitement et la réunion de deux conditions cumulatives :

  • L’inégalité de traitement est fondée sur au moins un critère défini par la loi ;
  • Dans un domaine déterminé par la loi.

1. Quelles sont les situations générales concernées par les discriminations ?

Les discriminations ont lieu dans diverses situations.

La loi vient préciser les situations dans lesquelles il est interdit de discriminer selon les critères précédemment définis. Ces situations concernent :

  • L’emploi, lors du recrutement ou licenciement etc. ;
  • La rémunération, les avantages sociaux ;
  • L’accès aux biens et services privés (logement, crédit, loisirs) ;
  • L’accès aux biens et services publics (école, soins, état civil, services sociaux) ;
  • L’éducation et la formation (condition d’inscription, d’admission, d’évaluation, etc.).

Exemples de situation discriminatoire directe :

  • Le règlement intérieur d’une entreprise réserve seulement aux hommes la faculté de demeurer dans l’entreprise après 50 ans. Il y a discrimination de sexe et d’âge (Cass. Soc.7 déc. 1993, n°88-41422).
  • Le licenciement d’une ingénieure informatique intervenant chez les clients pour avoir refusé de retirer son foulard, à la suite d’une demande expresse d’un client, caractérise une discrimination religieuse (Cass. Soc. 22 novembre 2017, n° 13-19.855).
  • Le Comité des droits de l’Homme auprès de l’ONU (décision du 14 mars 2022-CCPR/C/134/D/2921/2016) a considéré qu’interdire à une femme de porter le foulard lors d’une formation continue pour adultes organisée dans un lycée, constitue une discrimination intersectionnelle basée sur le genre et la religion.
  • Le licenciement d’une vendeuse Camaïeu pour port du foulard est discriminatoire : l’image de l’entreprise ou les souhaits des clients ne sont pas des motifs recevables d’interdiction (Cass. Soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079).

2. Quels sont les critères définis par la loi interdisant la discrimination ?

La discrimination est constituée par toute distinction opérée entre les personnes physiques ou entre les personnes morales à raison des critères énumérés par la loi :

«  sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte (…), de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée » (art. 225-1 Code pénal).

Il existe ainsi plus de 25 critères discriminatoires en droit français.

À ces critères, les article 225-1-1 et 225-1-2 y ajoutent les actes discriminatoires faisant suite à un harcèlement sexuel et les actes discriminatoires faisant suite à un bizutage.

En outre, dans le cadre professionnel, d’autres critères existent. Ainsi, par exemple aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire :

  • En raison de l’exercice normal du droit de grève (article L. 1132-2 Code du travail) ;
  • En raison de l’exercice des fonctions de juré ou de citoyen assesseur (art. L. 1132-3-1 Code du travail).
Discriminations légales

Le Code pénal dans son article 225-3 précise également les discriminations ne tombant pas sous le coup du Code pénal, autrement dit les discriminations légales.

Exemples :  les discriminations fondées sur l’état de santé ou le handicap, lorsqu’elles consistent en un refus d’embauche fondé sur l’inaptitude médicalement constatée ou les refus d’embauche fondés sur la nationalité, lorsqu’ils résultent de l’application des dispositions statutaires relatives à la fonction publique.

Il existe aussi des « actions positives », dites parfois « discriminations positives ». Il s’agit de favoriser certains groupes de personnes victimes de discriminations systématiques pour rétablir l’égalité des chances. Cela peut s’appliquer aux femmes dans le cadre de l’emploi (art. L1142-4 Code du travail) ou encore aux travailleurs handicapés (art. L1133-4 Code du travail) par exemple.

Les sanctions en cas de discrimination

S’agissant d’un délit, toute personne physique coupable de discrimination risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

La sanction peut aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende pour une discrimination commise dans des lieux accueillant du public ou par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (art. 225-2 et 432-7 du Code pénal).

Contrairement aux sanctions pénales fixées par le Code du travail en cas de discriminations consécutives à un harcèlement (art. L.1132-1 et L.1155-2 du Code du travail), celles du Code pénal ne s’appliquent pas aux discriminations portant sur la rémunération, un reclassement, une promotion, une mutation ou le renouvellement du contrat de travail. Elles ne s’appliquent pas non plus aux discriminations indirectes : Cass. crim., 8 juin 2021, no 20-80.056.

L’auteur d’une discrimination peut être condamné à réparer le préjudice et à verser, par exemple, des dommages et intérêts à la victime.

Exemple : pour avoir refusé l’entrée de son restaurant à une femme portant un foulard, le tribunal de Bayonne a condamné une restauratrice à 600 euros d’amende, au versement de 1 300 euros au titre du préjudice moral subi par la cliente et son fils et un stage de citoyenneté « en vue de l’apprentissage des valeurs de la République » (Tribunal de Bayonne, 29 novembre 2022).

Pour les personnes morales, la condamnation peut être assortie de l’interdiction d’exercer, de l’exclusion des marchés publics, de la fermeture de l’établissement, de l’affichage de la condamnation (art. 225-4 du Code pénal).

Comment agir ?

Il est possible au niveau contentieux de saisir différentes juridictions selon la discrimination subie :

  • Une juridiction pénale ;
  • Une juridiction civile : exemple le Conseil des prud’hommes si la discrimination est dans le cadre professionnel ;
  • Une juridiction administrative si la discrimination a lieu dans la fonction publique ou dans un service public.

Il est possible par ailleurs de saisir d’autres instances :

  • L’inspection du travail ;
  • Médecine du travail ;
  • Institutions représentatives des salariés ;
  • Une autorité administrative indépendante : Défenseur des droits ;
  • Des associations ;
  • Des syndicats.

La charge de la preuve

Compte tenu des difficultés pour la victime de rapporter la preuve des faits de discrimination, en cas de litige relatif à un emploi, une formation, la loi atténue le principe de la charge de la preuve devant les tribunaux civils et administratifs (art. L.1154-1 Code du travail et art. 4 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008). Ce principe permet de faciliter l’établissement de la preuve pour les victimes qui doivent uniquement réunir des éléments établissant une présomption de discrimination. C’est à la personne mise en cause de démontrer, dans un second temps, que ses agissements sont objectifs et non discriminatoires.

En revanche, devant les juridictions pénales, le principe de la présomption d’innocence s’applique. La charge de la preuve pèse alors sur le procureur. Ce n’est pas à la personne mise en cause de prouver qu’elle est innocente mais à celui qui l’accuse de démontrer sa culpabilité. En matière pénale, la preuve est libre. Il est possible de présenter un enregistrement audio ou vidéo, même enregistré à l’insu d’une personne mais la diffusion hors procédure pénale est interdite.

Que faire en cas de discrimination ?

  • Conservez un maximum d’éléments. Les preuves peuvent être diverses : le témoignage, la présentation de documents ou encore le testing ou test de situation.
  • Si la situation nécessite une intervention urgente des forces de l’ordre, vous pouvez alerter la police ou la gendarmerie en composant le 17.
  • Des démarches non contentieuses sont possibles : vous pouvez saisir le Défenseur des droits qui est habilité à intervenir en cas de discriminations.
  • Si la discrimination a lieu dans le cadre de l’emploi, vous pouvez saisir des organisations syndicales qui peuvent vous conseiller et vous accompagner dans vos démarches.
  • Informer votre employeur de la discrimination par écrit.
  • Dans le cadre de l’emploi, vous pouvez dénoncer le comportement ou l’acte discriminatoire à l’inspection du travail.
  • Vous pouvez aussi alerter les représentants du personnel.
  • Selon la situation, vous pourrez saisir la juridiction compétente. Par exemple le Conseil des prud’hommes est compétent en matière professionnelle. Dans ce cas l’acte discriminatoire peut être annulé, vous pouvez obtenir des dommages et intérêts et en cas de licenciement réintégrer votre emploi. Vous pouvez saisir le tribunal administratif pour le secteur public.
  • En cas d’urgence, vous pouvez faire un référé.
  • Vous pouvez déposer plainte auprès du procureur de la République, du commissariat ou de la gendarmerie.
  • Une action de groupe est possible en matière de discrimination (décret n° 2017-888 du 6 mai 2017) lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, ont subi une discrimination directe ou indirecte, fondée sur un même motif, de la part d’une même personne (privée ou publique). L’action peut être exercée par les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans sous conditions ou pour les discriminations commises au travail, par les syndicats représentatifs.
  • Vous pouvez saisir Equitas pour être soutenus et accompagnés juridiquement.

REFERENCES APPLICABLES

Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ; Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs (art. 1) ; loi n° 2016-1547 de modernisation de la Justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 ; décret n° 2017-888 du 6 mai 2017

Articles 225-1 à 225-4 Code pénal (cas de discrimination et sanctions pénales) ; article 432-7 Code pénal (sanctions pénales pour un agent public) ; art. L1132-1 (discrimination dans le travail) ; articles L1133-1 et L1133-6 Code du travail (inégalités de traitement autorisées dans le secteur privé) ; Article 122-45 et 122-46 Code du travail ; Décision du Défenseur des droits 9 déc. 2020 n°2020-214; Décision du Défenseur des droits 15 nov. 2021, n°2021-290 ;

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