Les principales juridictions françaises

Le système judiciaire français se divise en deux grands ordres de juridictions indépendants l’un de l’autre qui repose sur le principe de la dualité de juridiction :

  1. L’ordre administratif couvre les litiges qui impliquent l’administration (Etat, collectivités locales, services publics) et qui est compétent pour connaître des contestations portant sur l’action de l’administration (exemple : refus d’un permis de construire par la mairie).
  2. L’ordre judiciaire couvre les litiges entre particuliers et est composé des juridictions civiles et des juridictions pénales (exemples : licenciement sans cause réelle ou sérieuse, agression physique ou verbale).

Dans une même affaire, il convient parfois de distinguer des situations. En matière d’expropriation, par exemple :

  • Le juge administratif est compétent pour apprécier la légalité d’une déclaration d’utilité publique car il s’agit d’un acte administratif ;
  • Le juge judiciaire est compétent pour déterminer le montant de l’indemnisation.

En cas de doute à propos de la compétence des juridictions judiciaires ou administratives, c’est le Tribunal des conflits qui intervient. Il est possible de le saisir dans l’une des situations suivantes :

  • Conflit négatif : les deux juridictions (administrative et judiciaire) se déclarent incompétentes pour juger l’affaire.
  • Conflit positif : les deux juridictions (administrative et judiciaire) se déclarent compétentes pour juger l’affaire.
  • Une troisième procédure dite de prévention des conflits permet au juge administratif ou au juge judiciaire de saisir directement le Tribunal des conflits, lorsque la juridiction saisie de l’affaire a un doute sur sa compétence.

Le tribunal des conflits ne juge pas l’affaire sur le fond, il désigne uniquement la juridiction compétente.

I. Les juridictions de l’ordre administratif

Le tribunal administratif

Le tribunal administratif est juge de droit commun du contentieux administratif. Il juge les litiges entre les particuliers et les administrations. Ainsi, le contentieux des décisions de l’administration et les actions en responsabilité engagées contre la puissance publique relèvent d’abord de sa compétence.

Il est compétent pour trancher les litiges qui touchent au fonctionnement et à l’organisation des services publics administratifs (exemple : si l’accès à un service public est conditionné au retrait préalable du foulard).

Sont ainsi concernés les actes ou les décisions de l’administration, par exemple les refus de permis de construire ou les refus de titre de séjour.

Toutefois, en cas de voie de fait, c’est-à-dire lorsque l’administration porte une atteinte particulièrement grave à la propriété privée ou à une liberté fondamentale, en raison de la gravité et la brutalité de son acte, l’administration perd son privilège de juridiction. L’affaire est, dès lors, portée devant l’ordre judiciaire.

De même, seuls les actes des ministres (ayant une portée générale) et les actes réglementaires des organismes à compétence nationale relèvent directement du Conseil d’Etat.

Les juridictions administratives spécialisées

L’ordre administratif compte de nombreuses juridictions spécialisées traitant en particulier quatre contentieux :

  • Disciplinaire, comme le Conseil supérieur de la magistrature.
  • Étranger, en particulier la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
  • Financier, comme la Cour des comptes.
  • Social, le 1er janvier 2019, les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et commissions départementales d’aide sociale (CDAS) ont toutefois disparu. Leurs contentieux ont été transférés vers le pôle social des tribunaux judiciaires spécialement désignés, ou devant les tribunaux administratifs selon la nature du contentieux.

La cour administrative d’appel (CAA)

La cour administrative d’appel est compétente pour réexaminer les jugements rendus en première instance par les tribunaux administratifs et pour lesquels une des parties n’est pas satisfaite, si l’appel a été jugé recevable.

Le Conseil d’État

Le Conseil d’Etat est la juridiction suprême de l’ordre administratif et à ce titre, vérifie la bonne application des lois par les juridictions administratives. Il a deux missions :

  • Une mission contentieuse qui consiste à connaître les appels dirigés contre les arrêts des cours administratives d’appel ;
  • Une mission consultative ou administrative qui consiste à rendre des avis.

Tous les litiges qui impliquent une personne publique (l’État, les régions, les départements, les communes, les établissements publics) ou une personne privée chargée d’un service public, relèvent en principe de la compétence des juridictions administratives et en dernier ressort du Conseil d’État.

Le Conseil d’État peut parfois juger en appel : c’est le cas par exemple pour les ordonnances de référé-liberté rendues par le juge du tribunal administratif (art. L. 521-2 Code de justice administrative).

Il peut également juger en appel lorsque, ayant prononcé en cassation l’annulation d’un arrêt d’une cour administrative d’appel, il décide de régler l’affaire au fond plutôt que de la renvoyer à une autre cour. Ainsi, le Conseil d’État peut se substituer à la cour administrative d’appel lorsqu’il estime que « l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » (art. L. 821-2 du Code de justice administrative).

Caractères généraux de la procédure administrative contentieuse :

  • Procédure écrite, c’est-à-dire que l’essentiel de l’affaire est constitué par des mémoires écrits.
  • Caractère inquisitoire de la procédure, c’est-à-dire que devant les juridictions administratives, c’est le juge lui-même qui se charge de l’instruction.
  • Respect du principe du contradictoire.
  • Publicité des audiences, c’est-à-dire que le procès administratif est public.

L’introduction du recours :

  • Il faut une décision administrative préalable. Parfois, une absence de réponse de l’administration vaut refus à partir du délai de deux (2) mois. Mais, la règle est inverse dans certaines situations, par exemple, pour les demandes de permis de construire, où le silence vaut acceptation.
  • Délai : généralement le recours devant une juridiction administrative doit être introduit dans un délai de deux (2) mois suivant la notification de la décision.
  • Les procédures d’urgence : elles sont appelées référés. Il en existe plusieurs (exemple : le référé suspension qui permet de surseoir à l’exécution d’un acte administratif pour une durée déterminée par le juge dans l’attente qu’il se prononce sur la légalité de l’acte).

II. Les juridictions de l’ordre judiciaire

Lorsque la victime d’un préjudice agit au civil, elle peut obtenir réparation du dommage causé, notamment sous forme de dommages et intérêts. Le procès au pénal permet quant à lui de sanctionner l’auteur d’une infraction. D’une manière générale, le juge judiciaire est le gardien des libertés individuelles et de la propriété privée.

Les juridictions de l’ordre judiciaire sont composées de deux degrés permettant un jugement en première instance, et un réexamen de l’affaire par une juridiction de degré supérieur en cas de contestation du premier jugement.

1. Les juridictions de première instance

Pour les juridictions civiles, le tribunal compétent est déterminé selon la nature de l’affaire et le montant de celle-ci.

Pour les juridictions pénales, c’est le type d’infraction (contravention, délit, crime) qui détermine la juridiction compétente.

Pour les personnes poursuivies qui ont moins de dix-huit (18) ans au moment des faits, un régime spécifique s’applique : la justice des mineurs.

Les juridictions civiles

Juridictions civiles de droit commun :

  • Tribunal de proximité/Juge des contentieux de la protection :

Le tribunal de proximité est compétent pour trancher les litiges civils de la vie quotidienne portant sur des sommes inférieures à 10.000 euros, tels que les litiges relatifs à l’action de restitution de dépôt de garantie, à des dettes impayées, des travaux mal exécutés. Le Conseil d’Etat a annulé (décision n° 436939, 437002 du 22 septembre 2022) l’article 750-1 du Code de procédure civile qui imposait, à peine d’irrecevabilité, une obligation d’avoir recours à un mode de règlement amiable des litiges pour certains litiges dont l’enjeu financier était inférieur à 5.000 euros.

Un juge des contentieux de la protection est créé dans chaque tribunal de proximité et au sein du tribunal judiciaire pour statuer sur :

  • Le crédit à la consommation ;
  • Le surendettement des particuliers ;
  • Le contrat de louage d’immeuble à usage d’habitation ;
  • La protection des majeurs ;
  • L’expulsion des personnes sans droit ni titre.
  • Tribunal judiciaire :

Le tribunal judiciaire est issu de la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance. Il est la seule juridiction de droit commun de première instance en matière civile, pénale et commerciale compétente pour les litiges n’ayant pas été attribués à une autre juridiction, quelle que soit la valeur du litige.
Il peut donc trancher différents types d’affaires notamment les affaires concernant le droit de propriété, le droit des personnes (état civil, filiation par exemple), les successions, ainsi que toute affaire civile.

Certaines juridictions sont spécialisées, on parle de juridictions d’exception :

  • Le conseil de prud’hommes a une compétence d’attribution pour tous les litiges nés à l’occasion du contrat de travail de droit privé ou d’apprentissage.
  • Le tribunal de commerce est spécialement compétent pour trancher les litiges survenant entre commerçants ou concernant des actes de commerce.
Les juridictions pénales
  • Tribunal de police :

Il juge les infractions pénales les moins graves : les contraventions des cinq classes pour lesquelles la loi prévoit une amende ne pouvant excéder 3000 euros. Le tribunal peut prononcer une amende mais aussi des peines complémentaires comme suspension de permis ou immobilisation du véhicule, par exemple. Le jugement peut être contesté en faisant appel si c’est une contravention de 5ème classe. Pour contester les contraventions de la 1ère à la 4ème classe, seul un pourvoi en cassation est possible.

  • Tribunal correctionnel :

Le tribunal correctionnel est la principale juridiction pénale, il juge des délits pour lesquels la peine encourue peut aller jusqu’à dix (10) ans d’emprisonnement : les homicides involontaires, les trafics de stupéfiants, les agressions sexuelles, les vols, escroqueries etc. Le tribunal correctionnel est saisi par le procureur de la République, par le juge d’instruction à la fin d’une information judiciaire ou par la victime par le biais d’une citation directe.

  • Cour d’assises :

La cour d’assises est compétente pour juger les crimes, qui représentent les infractions les plus graves et les plus sévèrement sanctionnées par le Code pénal et dont les peines encourues sont de dix (10) ans de réclusion criminelle au minimum : les meurtres et assassinats, les viols, les trafics en bande organisée notamment.

  • Cour criminelle :

Les cours criminelles départementales, compétentes pour les crimes punis de quinze (15) ou vingt (20) ans de réclusion, ont été créées à titre expérimental en 2019 (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice). Elles seront généralisées au 1er janvier 2023, leur mise en place ayant pour objectif de désengorger les cours d’assises surchargées.

  • Cour de justice de la République :

Elle peut juger tous les membres du gouvernement, c’est-à-dire le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’État. Elle est compétente uniquement pour les actes délictuels ou criminels commis par ces derniers dans l’exercice de leur fonction. Les infractions sans lien direct avec la conduite de la politique de la Nation, relèvent des juridictions pénales de droit commun.

2. Les juridictions de recours

Les parties insatisfaites de la décision rendue par les juridictions de première instance peuvent interjeter appel devant une cour d’appel.

  • Cour d’appel

La Cour d’appel est chargée d’examiner les affaires déjà jugées par un tribunal. Il faut savoir que certains jugements ne sont néanmoins pas susceptibles d’appel. Il s’agit notamment des jugements rendus en dernier ressort par le tribunal de proximité, par le tribunal de police lorsque la sanction concerne des contraventions des classes 1 à 4 (art. 546 du Code de procédure pénale) ou par le conseil de prud’hommes si les demandes du salarié ne dépassent pas 5 000 euros (art. D. 1462-3 du Code du travail).

Le délai pour faire appel d’un jugement varie selon les juridictions : il est généralement d’un mois en matière civile, quinze jours pour certaines décisions (en matière gracieuse et pour les ordonnances) et dix jours en matière pénale.

  • Cour d’assises d’appel

La cour d’assises d’appel est compétente pour rejuger les affaires déjà tranchées par une cour d’assises.

  • Cour de cassation

La Cour de cassation n’examine que les décisions rendues en dernier ressort (décisions de première instance non susceptibles d’appel et décisions des cours d’appel).
La Cour de cassation est la juridiction suprême chargée de contrôler la bonne application du droit par les tribunaux. Elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le conflit qui oppose les parties mais uniquement pour statuer sur la qualité de la décision de justice.
La Cour de cassation compte six chambres spécialisées : c’est la nature de la question juridique posée qui détermine la chambre appelée à trancher le litige. Elle compte 3 chambres civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale et une chambre criminelle.

La Cour de cassation a une compétence nationale, elle est unique (art. L 411-1 du Code de l’organisation judiciaire) et siège à Paris, dans l’enceinte du Palais de justice.
Pour la saisir, le justiciable doit former un pourvoi en cassation. La Cour de cassation peut alors :

  • Casser la décision, l’affaire est alors renvoyée devant une juridiction pour y être rejugée ;
  • Rejeter le pourvoi, si elle estime qu’il n’est pas fondé. La décision contestée à l’origine est alors confirmée et devient définitive.

En matière civile, le pourvoi doit être formé dans un délai de deux (2) mois (sauf disposition contraire) à compter de la notification de la décision attaquée. En matière pénale, le pourvoi doit être formé dans un délai de cinq (5) jours à compter du prononcé de la décision attaquée.

Devant cette juridiction suprême de l’ordre judiciaire, tout comme pour l’ordre administratif, seuls des avocats spécialisés sont habilités à plaider : les avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’État, également appelés « avocats aux Conseils ».

L’objectif de la Cour de cassation étant d’unifier l’interprétation du droit, elle peut également être saisie « pour avis » par les juges des tribunaux avant qu’ils ne rendent leur décision.

Le Conseil Constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été institué par la Constitution du 4 octobre 1958. C’est une juridiction aux compétences variées et qui a notamment la charge du contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire qu’elle contrôle la conformité des lois à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres nommés pour neuf ans. Ces derniers sont désignés par le président de la République et les présidents des assemblées parlementaires.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi :

  • Avant promulgation de la loi, par le président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale ou soixante parlementaires.
  • Après promulgation de la loi : il s’agit de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il est possible pour tout justiciable de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative (article 61-1 de la Constitution).

RÉFÉRENCES APPLICABLES

Décret n° 2022-16, du 7 janvier 2022, relatif au comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale ; décret n° 2022-17, du 7 janvier 2022, relatif à l’expérimentation de la cour criminelle départementale ; loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; Conseil constitutionnel n°86-224 DC, 23 janvier 1987.

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