Port du foulard dans le secteur public

Sarah a posé sa candidature pour un poste au sein de l’administration de sa commune. Lors de l’entretien d’embauche, elle a exprimé son souhait de porter le foulard pendant son travail. Elle n’a fait l’objet d’aucune observation. Elle entre en fonction, peu de temps par la suite mais est interpellée par son supérieur hiérarchique sur le non-respect du principe de neutralité et du risque de sanctions disciplinaire.

Que dit la loi ?

En Belgique, les agents du secteur public ont des droits et des devoirs spécifiques à leurs positions, qui doivent être suivis. Parmi ces différents devoirs figure celui de respecter le principe de neutralité, qui s’impose à tous les services publics ainsi qu’à leurs agents qu’ils soient contractuels ou statutaires.

Ce devoir de neutralité repose sur l’obligation pour l’État d’être impartial et de garantir la liberté et l’égalité des citoyens devant le service public. Par conséquent, l’autorité administrative ne peut opérer de distinction dans le traitement des usagers, notamment en raison des convictions personnelles de ses agents, lesquels doivent non seulement agir de manière neutre, mais aussi adopter une présentation neutre face aux usagers.

Ce principe n’est pas défini explicitement par le droit belge mais émane à la fois de la lecteur conjointe de différents articles de la Constitution Belge, comme les articles 10 et 11 garantissant l’égalité entre les citoyens, l’article 21 interdisant à l’Etat de s’immiscer dans la nomination des ministres des cultes, ou encore l’article 24 qui met en place un enseignement neutre, et de principes fondamentaux du droit administratif belges, dans lesquels le devoir de neutralité de l’agent est inclus. 

Cette obligation de neutralité entraîne une limitation de certains droits et libertés fondamentaux des agents, notamment la liberté religieuse. En effet, le port de signes extérieurs de convictions philosophiques, politiques ou religieuses peut être perçu comme une atteinte au devoir de neutralité.

La jurisprudence considère que le devoir de neutralité constitue une raison suffisante pour interdire le port de signes convictionnels dans le cadre des fonctions des agents publics. Une mesure restrictive est jugée appropriée si elle contribue efficacement à garantir cet objectif de neutralité. Comme dans le secteur privé (voir fiche pratique), le secteur public doit respecter les conditions fixées par la loi et la jurisprudence pour justifier une restriction au port de signes religieux, politiques ou philosophiques. Ces conditions sont les suivantes :

  • Un but légitime : La restriction doit poursuivre un objectif reconnu comme valable, tel que la préservation de la neutralité de l’État.
  • Une application cohérente et non discriminatoire : Cette politique doit s’appliquer de manière uniforme, sans distinction liée aux convictions religieuses, politiques ou philosophiques des agents.
  • Une nécessité avérée : La restriction doit être indispensable pour atteindre l’objectif visé et ne doit pas dépasser ce qui est strictement nécessaire.

Il convient de préciser que toutes les administrations n’ont pas la même applicabilité du devoir de neutralité. Certaines se sont orientées vers :  

  • Une neutralité dite exclusive, qui s’appliquent de manière absolue à tous les fonctionnaires et impose notamment l’interdiction de tout signes convictionnels, 
  • Ou une neutralité dite inclusive qui, quant à elle, ne porte pas sur des signes convictionnels mais uniquement par les services fournis par les fonctionnaires. Ainsi, le port de signe convictionnel est autorisé.

Cette distinction résulte notamment de l’arrêt de la CJUE du 28 novembre 2023 (Commune d’Ans) où la Haute juridiction a admis que les Etats membres et leurs administrations ont en définitif une marge d’appréciation quant à l’opportunité d’une politique d’exclusion de signes convictionnels, selon le contexte qui leur est propre, qui doit cependant aller de pair avec un contrôle qui incombe aux juridictions étatiques quant au principe et la proportionnalité d’une telle mesure. 

Il existe dès lors, au sein des services publics belges, une applicabilité distincte du principe de neutralité. Celle-ci peut s’expliquer pour diverses raisons : La sensibilité de l’administration sur les questions d’inclusivité et de politique de diversité, le contexte social dans lequel évolue l’administration, le fait que le fonctionnaire soit en contact constant ou non avec les usagers, ou encore la mission particulière qu’est sensée accomplir l’administration et qui pourraient justifier la mise en place ou non d’une politique de neutralité exclusive. 

En conclusion, le respect du principe de neutralité est la règle de base au sein du service public, et cette obligation de neutralité aboutit fréquemment à une interdiction du port de signes convictionnels. Cette interdiction doit tout de même être prévue explicitement dans le règlement d’ordre intérieur de l’administration et répondre à certaines conditions. De plus, il existe des spécificités de pratiques pouvant aller de l’exclusion totale de signes convictionnels jusqu’à l’admission de couvre-chef à caractère religieux.

Que dois-je faire ?

  • Exiger la communication du règlement interne de l’administration afin de vérifier l’existence d’une clause interdisant les signes convictionnels.
  • Vérifier si une telle clause s’applique sans distinctions de convictions à tous les agents et si elle poursuit effectivement l’exigence de neutralité. 
  • Exiger un écrit vous demandant de retirer le port d’un signe religieux ainsi que les motifs d’une telle demande.
  • Communiquer à l’employeur/ supérieur hiérarchique la législation en vigueur ainsi que les décisions de justice pertinentes.
  • Saisir la délégation syndicale, le Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ou tout autre représentant des travailleurs de votre structure en cas de litiges.
  • Demander à un membre de la délégation syndicale de se prononcer explicitement par décision motivée sur la conformité de cette clause de neutralité.
  • En l’absence de clause de neutralité ou d’une clause irrégulière, saisir UNIA pour signaler une discrimination.
  • Saisir le service juridique d’Equitas qui vous accompagnera à chacune des étapes.

RÉFÉRENCES APPLICABLES

  • Article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
  • Article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
  • Article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 
  • Articles 10, 11, 21 et 24 de la Constitution belge.
  • Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations. 
  • CJUE 14 mars 2017 : Asma Bougnaoui et Association de défense des droits de l’homme (ADDH) contre Micropole SA. 
  • CJUE 14 mars 2017 : Achbita contre G4S Secure Solutions. 
  • CJUE 15 juillet 2021, IX et MJ contre Wabe et MH Müller Handels GmbH.
  • CJUE, 28 nov. 2023, OP contre Commune d’Ans
  • CT Bruxelles, 14 février 2024, 2023/AB/24
  • Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. 
  • Convention de l’OIT n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession). 
  • Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
  • Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (Directive refonte). 
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