Haine en ligne

Que dit la loi ?

Qu’est-ce qu’un contenu haineux ?

Bien que la liberté d’expression soit une liberté fondamentale précieuse (Cons. const. 11 oct. 1984, Entreprises de presse, n° 84-181 DC), le législateur est venu réprimer les abus de l’exercice de cette liberté.

Ces abus sont monnaie courante sur Internet et se retrouvent dans ce qu’on appelle la haine en ligne. Le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe a proposé une définition de cette notion qui recouvre « toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance (…) » ( Du comité de ministres aux États membres sur le « discours de haine », Recommandation n° R(97) 20, 30 octobre 1997).

Ainsi, peuvent constituer un contenu haineux :

  • Les infractions visées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à savoir :
  1. La provocation à la haine, à la violence, ou à la discrimination.
  2. L’injure définie comme toute expression outrageante adressée à une personne qui ne nécessite pas un fait précis.
  3. La diffamation définie comme l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.
    Ces trois délits doivent avoir un caractère discriminatoire (se baser sur la race, la religion ou le sexe par exemple).
  4. Les contestations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, ainsi que les apologies.
  5. La fausse information dite « fake news » susceptible de troubler la paix publique.
  • Atteintes au droit à l’image et à la vie privée (art. 9 du Code civil).
  • Harcèlement moral, cyberharcèlement (art. 222-33-2 à 222-33-2-3 du Code pénal).
  • La diffusion d’images portant gravement atteinte à la dignité humaine (art. 224-24 du Code pénal).
  • La mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle (art. 223-1-1 du Code pénal).

Un contenu publié sur Internet peut être poursuivi par la justice française s’il remplit une des conditions suivantes :

  • Il est consultable en France, en langue française ;
  • Il est destiné au public français ;
  • Il porte atteinte aux intérêts d’une personne vivant en France.

Cela s’applique même si l’auteur n’est pas en France et même si le site où se trouve le contenu n’est pas un site français.

La liberté d’expression ne justifie nullement de pouvoir s’affranchir de ce cadre légal. Tout ce qui est publié en ligne engage son auteur même avec l’usage d’un pseudonyme. Différents dispositifs ont été mis en place afin d’agir contre les contenus haineux.

La lutte contre la haine en ligne

L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), service de police judiciaire à vocation interministérielle, a permis la création de la Division de lutte contre les crimes de haine (DLCCH) en août 2020. Cette dernière a notamment pour mission de traquer les contenus haineux sur Internet et prendre l’initiative d’identifier les auteurs.

L’observatoire de la haine en ligne (instauré par l’art. 16 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet) est chargé de suivre et d’étudier les discours haineux sur internet, en particulier sur les réseaux sociaux afin de lutter contre la « cyberhaine ». Il est rattaché à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) depuis janvier 2022.

La loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 a par ailleurs créé un pôle national de lutte contre la haine en ligne, logé au sein du Tribunal judiciaire de Paris. Sa compétence recouvre les infractions suivantes :

  • La provocation directe non suivie d’effet à la commission d’un crime ou d’un délit ;
  • Les délits de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence, d’injure publique, et de diffamation publique à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ou à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou identité de genre ou du handicap ;
  • Le harcèlement moral dès lors que les messages sont publics et qu’ils comportent des éléments permettant de retenir une circonstance aggravante des articles 132-76 et 132-77 du Code pénal.

Ainsi, la plainte électronique pour harcèlement moral et harcèlement sexuel à caractère discriminatoire commis sur internet sur l’ensemble du territoire, doit être déposée devant le tribunal judiciaire de Paris.

L’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) met à la disposition des internautes la plateforme PHAROS (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements), qui permet de signaler en ligne les contenus et comportements illicites d’Internet.

Les plateformes doivent par ailleurs lutter « plus efficacement » contre les contenus haineux. Le décret 22-32 du 14 janvier 2022 définit 2 seuils d’audience :

  • Le seuil n°1 : concerne les plateformes réunissant chaque mois au moins 10 millions de VUS sur le territoire français. Ces plateformes seront alors obligées de coopérer avec les services répressifs, de mettre en place des dispositifs de notification des contenus haineux, mais aussi de traitement de ces contenus. Elles devront également être transparentes sur leurs process de modération.
  • Seuil n°2 : concerne les plateformes qui dépassent les 15 millions de VUS mensuels. Ces plateformes sont, en outre, tenues d’évaluer les risques de dissémination des contenus haineux et de proposer des moyens de lutte contre cette dissémination.

L’Arcom est chargé de faire appliquer ces obligations et dispose d’un pouvoir de mise en demeure, mais aussi d’un pouvoir de sanction, avec des sanctions pouvant atteindre 20 millions d’€ ou 6% du chiffre d’affaires mondial de la plateforme.

Ces dispositions s’appliqueront tant que le Règlement européen dit Digital Services Act (DSA) ne sera pas applicable en Europe. Il a été voté par le Parlement européen le 5 juillet 2022 et devrait être applicable en 2024.

Les enfants victimes de cyberharcèlement peuvent bénéficier d’une prise en charge rapide avec l’application 3018, lancée en février 2022. Cette application permet un dialogue par tchat avec les professionnels du numéro national 3018 et de stocker des preuves du harcèlement. Le 3018 offre des procédures de signalement accélérées pour faire supprimer les contenus en quelques heures sur les réseaux sociaux.

Que faire si vous êtes victime d’une publication malveillante sur Internet ?

1. Collecter les preuves

  • Vous pouvez collecter les preuves par tous les moyens, en particulier des captures d’écran de la publication en prenant soin de faire apparaître la date.
  • Conservez le lien URL.
  • Faites des captures d’écran des commentaires qui suivent les propos.
  • Il est possible d’effectuer un constat par un commissaire de justice.
  • En cas de cyberharcèlement d’un mineur, installez l’application 3018 qui permettra de stocker les preuves.

2. Faire un signalement

  • Vous pouvez signaler un comportement inapproprié ou abusif au responsable du site internet ou du réseau social en question sur sa page dédiée.
  • Vous pouvez faire un signalement sur PHAROS : signaler un contenu illicite de l’Internet.
  • En cas de problématiques relevant de la protection des données personnelles faire une plainte à la CNIL : Plaintes en ligne | CNIL.

3. Demander le retrait du contenu haineux

  • Vous pouvez faire retirer un contenu sur Internet, en effectuant une demande à l’auteur du contenu, puis à l’hébergeur du site. De nombreux hébergeurs mettent en place des dispositifs de signalement spécifiques prévus à cet effet.
  • En cas d’urgence et de préjudice évident, vous pouvez demander au juge un référé pour faire retirer un contenu par l’hébergeur.

4. Engager une procédure judiciaire

  • Vous pouvez déposer une plainte simple. La personne visée par la plainte doit être l’auteur du contenu haineux.
  • Vous pouvez aussi porter plainte contre l’hébergeur du site s’il refuse de retirer le contenu illicite après votre signalement.
  • Vous pouvez déposer directement une plainte avec constitution de partie civile.
  • Vous pouvez choisir la procédure par voie de citation directe si l’auteur est identifié. La citation doit indiquer quel est exactement le contenu visé et de quelle infraction il relève.

5. Informez le Défenseur des droits.

6. Vous pouvez faire appel à Equitas qui pourra vous apporter une assistance juridique.

RÉFÉRENCES APPLICABLES

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (loi LCEN) ; Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (article 93-3) ; Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ; Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

Articles 223-1-1 et 224-24 du Code pénal ; Articles 132-76 et 132-77 du Code pénal ; Décret n° 2013-987 du 5 novembre 2013 ; Art. 9 du Code civil.

Décret n° 2021-1738 du 21 décembre 2021 portant modification du décret n° 2013-987 du 5 novembre 2013 portant création d’un office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre ; Décret 22-32 du 14 janvier 2022 pris pour l’application de l’article 42 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et relatif à la fixation d’un seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus illicites.

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