Que dit la loi ?
L’injure est définie par la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse de 1881 comme « Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (art. 29 al. 2).
Ainsi, contrairement à la diffamation, l’injure n’impute pas un fait précis à une personne (Cass. crim., 7 décembre 2010, n° 10-81.984).
Dire par exemple, de quelqu’un qu’il est un voleur peut être une injure mais non une diffamation car on ne l’accuse pas d’un vol précis. Il n’est pas toujours facile de différencier ces deux infractions et dans le cas où elles sont indivisibles, c’est la diffamation qui prévaudra (Cass., crim. 12 juin 1956).
L’injure se distingue également de l’outrage (v. Décision 2021-896 QPC du 9 avril 2021), réprimé à l’article 433-5 du Code pénal qui vise les menaces, gestes ou paroles adressés à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
Injure privée
Selon que l’injure soit commise en public ou dans le cadre privé, la sanction est plus ou moins lourde.
L’injure privée ou non publique, est celle adressée à la victime sans qu’aucune tierce personne ne soit présente, notamment par courrier électronique ou SMS, ou celle prononcée par son auteur devant un cercle restreint de personnes qui partagent les mêmes intérêts, en la présence ou non de la victime. Elle est constitutive d’une infraction.
Injure publique
L’injure publique est une injure pouvant être entendue ou lue par un public, elle est constitutive d’un délit. Les personnes susceptibles d’être témoins peuvent ne pas être liées par une communauté d’intérêt.
C’est le cas des injures prononcées en pleine rue, publiées dans un journal ou sur Internet, par exemple. Dans ce dernier cas, si l’injure est postée sur un réseau social, il faudra que cela soit accessible à tous pour être qualifié d’injure publique.
Pour qu’il y ait injure publique, il faut la réunion de quatre éléments :
- Une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective : un terme apparemment anodin peut devenir injurieux selon le contexte.
- Les termes s’appliquent à une personne ou à un ensemble de personnes déterminées. Ainsi la mise en cause d’une religion ne peut constituer un délit d’injure à défaut de mettre en cause les croyants eux-mêmes.
- L’intention est de nuire : l’objectif de l’injure est de blesser la personne à qui elle est adressée, dans son honneur et sa dignité. Il pèse une présomption de mauvaise foi sur la personne poursuivie.
- Il y a publicité au sens de la loi de 1881 : celle-ci est constituée pour toute parole ou cri « proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes (…) » (art.23 al.1). En cas de publication directe, l’infraction est imputée à l’auteur de l’injure et en cas de publication indirecte, c’est-à-dire lorsque le propos est transmis au public par un tiers, l’infraction est alors imputée à ce dernier. Il s’agit en général de l’éditeur ou du directeur de publication : il pourra donc voir sa responsabilité pénale engagée et l’auteur des propos pourra être poursuivi en tant que complice.
Injure à caractère raciste/discriminatoire
L’alinéa 3 de l’article 33 de la loi de 1881 détermine un régime particulier relatif aux injures publiques dirigées contre une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Exemples :
- « Retourne dans ton pays, tu n’es pas chez toi ici » (CA Riom, ch. corr., 3 novembre 2005) ;
- « Les mineurs isolés, sont des voleurs, des violeurs, des assassins » (Tribunal correctionnel de Paris, le 17 janvier 2022).
Sanctions
- L’auteur d’une injure proférée en privé encourt une amende de 38 euros (art. R621-2 du Code pénal). La condamnation est plus grave si l’infraction est commise envers une personne à raison de son origine raciale ou de son appartenance à une religion : 1500 euros d’amende (art. R625-8-1 du Code pénal).
- L’injure publique est punissable d’une amende de 12 000 euros.
- La condamnation est plus grave en cas d’injure raciale publique qui peut être punie par une peine de prison d’un (1) an et 45000 € d’amende ; les peines sont portées à trois (3) ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende si les faits sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission (art 33 al.5 de la loi de 1881).
Pour l’injure publique et l’injure privée à caractère raciste, vous devez agir dans l’année qui suit le jour où l’écrit ou les propos ont été émis ou portés à la connaissance du public. Pour l’injure à caractère public ou privée et non raciste, le délai pour agir est de trois (3) mois.
Les excuses à l’injure
L’humour
Le délit d’injure peut se voir « excusé » lorsque le propos s’inscrit dans le cadre de l’humour et de la satire politique (Cass. crim. 20 septembre 2016, n °15-82.944). Pour accorder le bénéfice du droit à l’humour, la personnalité du locuteur peut être examinée de manière objective par le juge, à savoir s’il est un humoriste ou non par exemple (TGI Paris, 17e ch., 19 décembre 2013, n° 313-11).
Ce droit à l’humour s’arrête lorsque les propos portent atteinte au respect de la personne humaine.
La provocation
D’après l’art. 33 al.2 de la loi de 1881, « l’injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations, sera punie d’une amende de 12 000 euros », ainsi l’injure proférée par la victime qui riposte de manière immédiate et irréfléchie à une provocation peut être excusée (Cass. Crim. 24 nov. 2009). La reconnaissance de l’excuse de provocation implique l’existence d’une relation directe entre l’injure et la provocation. Mais il ne revient pas au juge d’instruction d’instruire sur l’éventuelle excuse de provocation en matière d’injure (art. 51-1 de loi de 1881). De plus, les juridictions tendent à écarter l’application de cette cause d’exonération par différents moyens, notamment en invoquant l’absence de proportionnalité entre l’injure raciale et la provocation (Cass, crim, avril 1999 n° 98-81.625).
Appréciation de l’injure par le juge
L’injure peut aussi bien résider dans un terme grossier que dans un vocable méprisant ou péjoratif, mais parfois les mots n’ont pas ce caractère.
L’appréciation du caractère injurieux d’un propos relève du pouvoir du juge et doit être effectuée en fonction du contexte, et de manière objective, sans se fonder sur la perception personnelle de la victime (Cass. Crim., 20/2/1990, n° 89-80.483).
Que faire si vous faites l’objet d’injures ?
- Si les propos sont tenus sur internet, dans un premier temps afin d’éviter la disparition de ces derniers, vous pouvez faire dresser un constat d’huissier afin d’apporter la preuve par la suite ou effectuer une capture d’écran des propos avec la date et le lien URL.
- Effectuer une capture d’écran des commentaires qui suivent les propos injurieux
- Ensuite, vous pouvez faire retirer un contenu sur internet, en effectuant une demande à l’auteur du contenu, puis à l’hébergeur du site. De nombreux hébergeurs mettent en place des dispositifs de signalement spécifiques prévus à cet effet.
- Si l’hébergeur ne retire pas le contenu signalé selon sa propre procédure, vous pouvez faire un signalement dans un cadre judiciaire en respectant la procédure et en envoyant notamment une lettre recommandée avec accusé de réception.
- En cas d’urgence et de préjudice évident, vous pouvez demander au juge un référé pour faire retirer un contenu par l’hébergeur.
- En cas de propos injurieux sur internet, vous pouvez aussi le signaler sur Pharos
- Vous pouvez déposer une plainte simple.
- Vous pouvez déposer directement une plainte avec constitution de partie civile en cas d’injure publique.
- Certaines associations peuvent également se constituer partie civile pour les injures à caractère raciste.
- Vous pouvez choisir la procédure par voie de citation directe si l’auteur est identifié.
- Vous pouvez faire appel à Equitas qui pourra vous apporter une assistance juridique.
RÉFÉRENCES APPLICABLES
Art. 23 al.1, art. 29 al.2, art. 33 al.4, art.51-1 al.3 et 65 al.3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Code pénal : articles R621-2 et R625-8-1 ;
Jurisprudence : Cour de cassation crim., 7 décembre 2010, n° 10-81.984 ; Cour de cassation, crim. 12 juin 1956 ; Conseil constitutionnel décision 2021-896 QPC du 9 avril 2021 ; CA Riom, ch. corr., 3 novembre 2005 ; Cass. crim. 20 septembre 2016, n °15-82.944 ; TGI Paris, 17e ch., 19 décembre 2013, n° 313-11 ; Cass, crim, avril 1999 n° 98-81.625 ; Cass. crim., 20 fév. 1990, n° 89-80.483.