Inscription dans l’enseignement supérieur privé

Lors de son inscription dans un établissement d’enseignement supérieur privé, il est annoncé à Nawel que celle-ci est conditionnée au retrait du foulard, par application du principe de laïcité.

L’enseignement supérieur privé rassemble des établissements sous statuts très divers :

  • des lycées privés proposant des sections de techniciens supérieurs (STS) ou des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ;
  • des organismes à but non lucratif, régis par une association loi 1901 ou par une fondation reconnue d’utilité publique, la plupart des écoles d’ingénieurs sont ainsi sous statut associatif ;
  • les établissements privés d’enseignement supérieur libres dont les instituts catholiques ;
  • des organismes appartenant à des sociétés commerciales (dont certaines écoles d’ingénieurs et écoles de commerce).

Le privé regroupe ainsi de nombreuses écoles d’ingénieurs, des écoles de commerce, d’art, des écoles spécialisées en communication, en journalisme ou en cinéma-audiovisuel, mais aussi certaines écoles juridiques et des écoles paramédicales et sociales.

Puis-je manifester le port de signes religieux au sein d’un établissement d’enseignement supérieur privé ?

Que dit la loi ?

  • La liberté religieuse est un principe consacré par le droit constitutionnel français ainsi que le droit international et européen.

Pour la liberté de religion, les principaux textes sont les suivants :

  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (reprise par le préambule de la constitution de 1958) établit en son article 10, que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
  • La loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, aux termes de son article 1, indique : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sur les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public ».
  • La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 déclare dans son article 9 :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites » sans autres « restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

  • La LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a posé l’interdiction du port de signes ou de tenues par lesquels
    les élèves manifesteraient ostensiblement une appartenance religieuse.
    L’enseignement supérieur, privé ou public n’est pas concerné par cette loi qui vise les élèves inscrits dans des écoles (maternelles, primaires), collèges et lycées publics, ainsi que les étudiants des classes préparatoires et des filières STS dont l’enseignement est dispensé dans un lycée public.

Par conséquent, le port de signes et de tenues religieuses est en principe autorisé sous réserve que cela ne porte pas atteinte, ni aux activités d’enseignement, ni à l’ordre public. Ainsi, par exception, cette liberté peut être limitée pour des règles de sécurité et d’hygiène, notamment pour les activités de travaux pratiques en laboratoire ou les activités sportives.

Le Conseil d’État a estimé que l’ordre public pouvait être assuré sans avoir recours à une interdiction de pénétrer dans l’enceinte de l’établissement (Conseil d’État, 26 juillet 1996, Université Lille 2, requête n° 170106).

  • La Commission nationale consultative des droits de l’homme (Cncdh) en conclut ainsi qu’ « une interdiction générale du port de signes religieux aux personnes fréquentant les établissements d’enseignement supérieur est à la fois inutile et attentatoire aux libertés fondamentales » (Cncdh Avis du 26 septembre 2013).
  • Par ailleurs, il est admis que certains établissements participent aux missions de service public de l’enseignement supérieur (article L.611‐6 du Code de l’éducation). Or, la qualité d’usager du service public n’implique en elle-même, aucune limitation à la liberté d’opinion et de croyance, ni à la possibilité de les exprimer sous réserve du bon fonctionnement de l’établissement et de l’ordre public.

Le Code de l’éducation, dans son article L. 141.6, dispose que « Le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».

  • Le Conseil d’État (CE 28 juill. 2017, n° 390740, n° 39074 et 390742) a été amené à statuer sur le régime des élèves infirmiers en distinguant leurs lieux d’activité. Il a été reconnu notamment que dans les instituts de formation paramédicaux d’enseignement supérieur, aucune obligation de neutralité ne s’applique.

De ce fait, dans l’enseignement supérieur privé, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions philosophiques en public, ou de manière privée, est garantie. En effet, aucune disposition législative n’interdit ou ne restreint le port de signes d’appartenance religieuse. Un règlement intérieur qui interdirait le port de signes religieux en toutes circonstances, de manière générale et absolue, est illégal et viole le principe de la liberté religieuse.

  • Concernant la carte étudiante, aucun texte législatif ou réglementaire ne conditionne sa délivrance à la production de photographies tête nue, contrairement aux documents d’identité.
  • Aussi, le refus d’enseigner à une étudiante en raison de signes religieux est discriminatoire et, à ce titre, passible de sanctions disciplinaires et pénales.

Que dois-je faire ?

En cas de refus d’inscription ou d’accès dans les locaux de l’établissement en raison du port d’un signe religieux :

  • Exigez une notification écrite et motivée du refus que l’on vous oppose.
  • Exigez que l’on vous fournisse la réglementation invoquée.
  • Le règlement intérieur d’un établissement supérieur d’enseignement privé qui interdirait le port de signe religieux est discriminatoire et doit être dénoncé comme tel afin d’être modifié par l’administration.
  • Exercez un recours auprès du service d’inscription.
  • Prenez contact avec le chef d’établissement pour l’informer de l’illégalité de ce refus.
  • Saisissez Equitas qui vous apportera soutien et assistance juridique.

Références des textes applicables :

  • Principe de liberté religieuse : Art.10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ; Art. 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Art. L. 141-6 et L. 811-1 du Code de l’éducation.
  • Discrimination : Art. 1, 3, 4, et 5 de la Convention de 1960 contre la discrimination dans l’enseignement ; articles 225-1 et 225-2 du Code pénal.
  • CE 28 juill. 2017, n° 390740, n° 39074 et 390742 ; Conseil d’État, 26 juillet 1996, Université Lille 2, requête n° 170106.
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