L’instruction en famille

L’instruction en famille (IEF), parfois appelée « école à la maison », est une modalité d’instruction longtemps offerte aux familles.

Le droit à l’instruction est rappelé par de nombreux textes internationaux, constitutionnels et législatifs (treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et article 2 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) et a été précisé par la jurisprudence.

Le principe du droit à l’éducation et l’accès de tous à l’instruction est notamment inscrit au sein du Code de l’éducation : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté » (art. L. 111-1 alinéa 4).


Cette instruction obligatoire est encadrée par l’article L131-1 et suivants du même code qui dispose que « l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans. »


Le Conseil d’Etat a considéré que : « Le principe de la liberté de l’enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d’enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l’Etat, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille. » (Décision du 19 juillet 2017, Association Les enfants d’abord, n°406150).

Ce droit n’est donc pas absolu et il a fait récemment l’objet de renforcement et de restrictions législatives :

  1. La LOI n° 2019-791 du 26 juillet 2019 « une école de la confiance », est venue renforcer les modalités de contrôle de l’instruction dispensée en famille et a par ailleurs abaissé de six à trois ans l’âge de l’instruction obligatoire.
  2. La LOI n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », entrant en vigueur à la rentrée scolaire de septembre 2022, remplace le régime de déclaration d’instruction dans la famille par une demande obligatoire d’autorisation préalable.
  3. L’article 49 de la loi vient ainsi modifier l’article L.131-2 du Code de l’éducation et précise :

« L’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5. »

La nouvelle rédaction de l’article L131-5 du Code de l’éducation fixant les nouvelles modalités d’autorisation a été validée par le Conseil Constitutionnel (décision du 23 août 2021, n°2021-823 DC) qui vient préciser que l’instruction en famille n’est pas une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l’enseignement, mais une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire.

Dès lors, le régime envisagé de manière antérieure, guidé par le principe de liberté de l’instruction, va être réduit à un régime dérogatoire lequel est détaillé par le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille.

Quelles sont les conditions pour bénéficier de l’instruction en famille ?

Pour que votre enfant soit instruit dans la famille, vous devez pouvoir justifier de l’une des situations suivantes (art. L 131-5 du Code de l’éducation) :

  • L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
  • La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
  • L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
  • L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ;
  • La menace de l’intégrité physique ou morale de l’enfant dans son établissement scolaire.

Parmi ces motifs, c’est celui de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif » qui pose le plus de difficultés, de nombreux dossiers ayant été refusés à travers ce motif.


Le Code de l’éducation encadre ce motif en exigeant que :

  • Les personnes responsables de l’enfant doivent justifier de la capacité de la personne chargée d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, le bac ou un autre diplôme de niveau 4 est alors demandé. Si vous voulez présenter un diplôme étranger, vous pouvez demander une attestation de comparabilité d’un diplôme étranger grâce au lien suivant : Demander une attestation de comparabilité d’un diplôme étranger (Démarche en ligne)
  • La demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif ;

  • L’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit (décision du 23 août 2021, n°2021-823 DC). Le Conseil constitutionnel ajoute : « En dernier lieu, si les dispositions contestées prévoient que l’autorisation d’instruction en famille est accordée sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté de conscience ou d’opinion des personnes qui présentent un projet d’instruction en famille ».

Quelle sont les démarches à suivre ?


I. DASEN : demande d’autorisation d’instruction en famille

  1. Adresser une demande d’instruction en famille au Dasen ;
  2. La demande doit être adressée entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant la rentrée scolaire.
  3. Le Dasen notifie sa décision dans un délai de deux mois. En l’absence de réponse dans ce délai, votre demande est réputée acceptée.

Comment contester un refus ?

En cas de refus d’instruction en famille, vous pouvez contester la décision dans un délai de 15 jours (article D131-11-10 du Code de l’éducation) à compter de la notification en exerçant un recours administratif préalable obligatoire (Ci-après « RAPO ») auprès d’une commission présidée par le recteur d’académie. La commission se réunit dans un délai d’un mois et notifie sa décision dans les 5 jours ouvrés (art. D. 131-11-12 du Code de l’éducation). Dans tous les cas, le refus doit être motivé.

La juridiction administrative ne peut être saisie qu’après le rejet de votre recours (art. D. 131-11-13 Code de l’éducation).

Que mettre dans votre RAPO ?

Il est important de détailler point par point les motifs qui vous conduisent à formuler ce recours. Il faut contester en droit et en fait ce refus, et démontrer l’erreur manifeste d’appréciation.


Concernant la situation de droit, il s’agit ici de rappeler les termes du Code des relations entre le public et l’administration, ou du Code de l’éducation (de la loi, du décret, de la réserve du Conseil Constitutionnel) qui justifient votre RAPO.


Vous pouvez aussi mentionner les généralités sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le point de vue de votre enfant, dont l’avis doit être pris en compte pour toute décision le concernant selon l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ou selon l’article L112.4 du Code de l’action sociale et des familles qui dispose :


« L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. »


Concernant la situation de fait, c’est ce qui relève de votre situation particulière dans votre RAPO, et en quoi celle-ci respecte bien le droit. Il faut expliquer que vous avez déposé une demande d’autorisation pour accéder à une modalité de l’instruction obligatoire, en respectant toutes les demandes législatives et réglementaires dans le cadre de la réserve du Conseil Constitutionnel (projet éducatif contenant les éléments essentiels de la pédagogie adaptés à l’enfant), mais que vous ne comprenez pas pourquoi l’administration vous refuse l’accès à cette modalité.


Vous pouvez aussi améliorer votre projet pédagogique en demandant de l’aide à des associations.

II. Les contrôles

a) Contrôle effectué par la mairie :

  • Dès la première année d’instruction dans la famille, la mairie mène une enquête dont la finalité est de contrôler les raisons une demande d’instruction dans la famille ;
  • La finalité étant de vérifier la comptabilité de l’état de santé et les conditions de vie de la famille avec l’instruction dans la famille ;
  • Il faut fournir une attestation de suivi médical de votre enfant ;
  • Cette enquête est renouvelée tous les 2 ans, jusqu’aux 16 ans de l’enfant.

b) Contrôle effectué par le DASEN : contrôle pédagogique

  • Le DASEN s’assure de la progression de l’enfant notamment en vérifiant si les connaissances de l’enfant sont suffisantes,
  • Un inspecteur d’académie effectue le contrôle individuel de l’enfant au moins 1 fois par an.
  • L’inspecteur peut être assisté par un psychologue scolaire.
  • Ce contrôle est effectué à partir du 3e mois suivant la délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille.
  • Les résultats vous sont communiqués dans un délai de 3 mois.
  • Si les résultats sont insuffisants : un second contrôle est prévu dans un délai minimum d’un mois. Ce délai a vocation à permettre d’améliorer la situation. Si les résultats sont toujours insuffisants, le Directeur académique des services de l’éducation nationale impose d’inscrire l’enfant dans un établissement scolaire, public ou privé, dans un délai de 15 jours à compter de la notification.

Le contrôle est individuel, l’inspecteur peut être accompagné d’un psychologue scolaire. Les familles ne sont pas informées à l’avance de la date de ce contrôle.

Le Conseil d’État a relevé en ce sens que l’atteinte au respect de la vie privée et familiale par un contrôle inopiné est justifiée par l’intérêt général et le droit de l’enfant (Conseil d’État. CE 2 avril 2021 n° 435002).


N’oubliez pas que pour ces contrôles, les agents de l’Etat sont tenus à la neutralité. Ainsi l’article 121-2 Code général de la fonction publique dispose que :


« Dans l’exercice de ses fonctions, l’agent public est tenu à l’obligation de neutralité. Il exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester ses opinions religieuses. Il est formé à ce principe. L’agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. »

Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des lois ?

Certaines situations correspondant à des infractions à la loi peuvent être lourdement sanctionnées :

  • Vous n’inscrivez pas votre enfant dans un établissement d’enseignement, sans excuse valable, en dépit d’une mise en demeure de l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, vous risquez une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (article 227-17-1 du Code pénal).
  • De même, vous vous opposez à la scolarisation de votre enfant après le second contrôle pédagogique, vous pouvez être condamné à 6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende
  • Vous refusez le contrôle pédagogique, le DASEN effectue un signalement au procureur de la République.
  • Vous inscrivez votre enfant dans une école privée ouverte de façon illégale alors que vous venez de recevoir l’autorisation de faire l’école à domicile, vous risquez une amende de 15 000 euros et 1 an de prison (art. L131-5 du Code de l’éducation).

Que dois-je faire ?

Si on vous oppose un refus à l’autorisation d’instruire votre enfant en famille :

  • Vérifiez le motif de refus, ce dernier doit être justifié en droit et en fait ;
  • Si le refus fait suite à un contrôle, demandez la communication des comptes-rendus si vous ne les avez pas eus ;
  • Vous pouvez effectuer un recours administratif préalable obligatoire ;
  • Dans le cas où le recours n’aboutit pas vous pouvez saisir le juge ;
  • Vous pouvez saisir le Défenseur des droits au niveau local en lui envoyant une copie de votre lettre de recours ;
  • Vous pouvez saisir une association spécialisée dans l’instruction en famille ;
  • Vous pouvez saisir Equitas pour une assistance juridique, qui vous accompagnera dans chacune des étapes.

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