Qu’est-ce que le testing ?

Le test de situation ou test de discrimination, aussi appelé testing, est une méthode d’investigation visant à détecter les discriminations qui remonte à 1939 en France.

Il consiste à comparer les résultats obtenus par deux types de candidats en tous points identiques à une exception près, le critère que l’on veut tester (par exemple l’origine, le lieu d’habitation, etc.). Le test se réalise dans des processus de sélection réels comme une embauche ou l’accès à un bien.

Des tests de situation menées en France par des universitaires ont démontré qu’à compétences égales, une femme ayant un nom à consonance étrangère et portant un foulard avait 56 fois moins de chances d’être contactée pour un entretien d’embauche, qu’une femme perçue comme étant de souche et ne présentant pas de signe religieux (« Discrimination à l’embauche liée au port de voile : les résultats d’un testing sur CV réalisé en France », Conférence The Making of Discrimination, 6 nov. 2014).

Ainsi, dans le milieu professionnel pour vérifier l’existence d’une discrimination basée sur l’origine on envoie des candidatures identiques en modifiant uniquement le prénom et le nom, en utilisant des consonances différentes laissant supposer une origine autre. Si les résultats sont plus favorables pour un type de candidats que pour un autre, alors on peut estimer qu’il y a une présomption de discrimination.

Cette méthode de détection de discrimination permet de pré constituer la preuve de la discrimination vécue par la victime. Il s’agit donc d’une méthode probatoire prévue et défini par l’article 225-3-1 du Code pénal lequel dispose que :

« Les délits prévus par la présente section sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».

La Cour de cassation statue pour la première fois sur la validité du testing dans une décision en 2015 (Cass. Crim. 4 février 2015, n° 14-90048) où elle affirme : « Et attendu qu’elle ne présente pas un caractère sérieux dès lors que, tout en facilitant la constatation des comportements discriminatoires, l’article 225-3-1 du code pénal ne prévoit aucune dérogation aux règles de poursuite et de jugement des infractions ; qu’en outre, il ne confère pas au procureur de la République la faculté de provoquer à la commission d’une infraction et ne remet pas en cause le pouvoir du juge d’apprécier la valeur probante des éléments à charge produits par les parties, après les avoir soumis à la discussion contradictoire; qu’il n’est ainsi porté aucune atteinte aux droits de la défense ni au droit à un procès équitable ; »

Comment procéder à un testing ?

Les différentes méthodes :

Vous pouvez effectuer un test de discrimination si vous pensez avoir fait l’objet d’une discrimination (exemples : refus d’entretien d’embauche ou refus de visite d’un logement à louer) et que vous voulez confirmer cela.

Vous devez établir un profil de référence, c’est-à-dire un profil qui est comparable au vôtre : seule la caractéristique susceptible de constituer un critère de discrimination (origine, âge, etc.) se distingue, le reste des informations doit être presque identique.

Puis en fonction des situations, différentes méthodes peuvent être utilisées :

  • Le test physique : cette méthode peut être utilisée pour l’accès à certains biens ou services (commerce, taxi par exemple) ou l’accès aux établissements de loisirs (restaurants, salles de sport par exemple). Il s’agit de vous présenter en personne, puis en cas de refus, de demander à une personne ayant un critère différent de celui qui poserait un problème (ex : un handicap, un signe religieux) de se présenter quelques instants après.
  • Le test par mail ou par courrier : dans le cas d’une candidature pour une offre d’emploi, il faut soumettre en premier lieu votre CV et quelques heures après ou le lendemain, celui du profil de référence que vous avez créé. Ce dernier doit être comparable se différencie par le critère que vous souhaitez tester (origine, patronyme ou nationalité, lieu de résidence). Si seul le profil de référence est rappelé ou convoqué à un entretien d’embauche, le test ira dans le sens d’une une présomption de discrimination.
  • Le test par téléphone : celui-ci peut être utilisé pour les réservations ou pour les prises de rendez-vous. Exemple : vous contactez une agence immobilière pour la location d’un appartement mais vous soupçonnez un refus discriminatoire, vous demandez à une personne avec un profil différent (mais comparable) de contacter l’agence.
  • Le test via formulaire en ligne ou application : il est possible d’effectuer ce type de test pour un achat en ligne ou l’utilisation d’un site internet d’offres d’emploi par exemple.

Les recommandations

Afin que la preuve du test de discrimination soit recevable par un juge, certaines conditions méthodologiques doivent être respectées et le Conseil constitutionnel a souligné que les « éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination doivent être « précis et concordants » (Décision n°2001-455 DC, 12 janvier 2002).

Avant de réaliser le test, il faut d’abord avoir été victime de discrimination pour ensuite pouvoir porter plainte ou exercer un recours, ou s’il s’agit d’une association celle-ci doit avoir reçu un signalement.

Le Défenseur des droits émet par ailleurs une série de recommandations :

  • Conserver les éléments de preuve de la discrimination initiale, les documents éventuels que vous aviez eu à fournir, et, le cas échéant, la réponse qui vous a été apportée ;
  • S’assurer que le bien ou le service que l’on vous a refusé est toujours disponible : l’établissement doit être encore ouvert, l’annonce toujours en ligne ;
  • Prévoir un ou des témoins pour qu’ils puissent attester du déroulement du test et des échanges. La ou les personnes ayant constitué le profil de référence peuvent figurer parmi les témoins ;
  • Réaliser le test en 2 étapes en commençant par présenter votre profil ou celui de la personne victime puis celui de référence (profil sans la caractéristique exposant à la discrimination) dans un court délai pour éviter tout changement de circonstances qui pourrait expliquer la différence de traitement ;
  • Ne pas influencer l’interlocuteur par des remarques, attitudes ou commentaires orientés. Rester neutre et éviter toute provocation à la discrimination ;
  • Conserver tous les éléments pour assurer le suivi du test et l’identification du mis en cause : photos des personnes physiques testeurs, captures d’écran des annonces testées, enregistrements des conversations téléphoniques, SMS, CV, lettres de motivation, historiques des échanges des mails, noms des interlocuteurs, lieu du test, etc. Pour les tests par téléphone, il convient de mettre le haut-parleur pour que le témoin puisse suivre la conversation et témoigner. Pour le test en ligne, chaque étape doit être minutieusement documentée par captures d’écran.
  • Faire réaliser des attestations aux témoins.

Certains testing, à plus grande échelle, ont eu lieu à la demande du Défenseur des droits.

Le testing comme mode de preuve

Dans le cadre d’un recours, les résultats du test pourront contribuer à établir la preuve de la discrimination. Le test de discrimination est un mode de preuve des discriminations reconnu par la loi en matière pénale, civile et administrative :

En matière pénale

Pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le testing est un mode de preuve admissible devant le juge pénal (11 juin 2002, n° 01-85.559 ; 7 juin 2005 n°04-87354 ; 28 février 2017 n°15-87378) sous conditions :

  1. Qu’il ne confère pas au procureur de la République la faculté de provoquer à la commission d’une infraction ;
  2. Qu’il ne remette pas en cause le pouvoir du juge d’apprécier la valeur probante des éléments produits par les parties, après débat contradictoire.

Il existe en outre une limite posée par la jurisprudence : la déloyauté imputable à l’autorité administrative ou judiciaire. Sont donc interdits :

  • Les stratagèmes, provocations et machinations mis en place par l’autorité judiciaire ou administrative déterminant la commission de l’infraction (Cass. Crim. 11 mai 2006 n° 05-84.837) ; La Cour de cassation a précisé que : « seul étant proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. » (Cass. ass. plén., 9 déc. 2019, n° 18-86767).
  • La production de documents obtenus frauduleusement par l’administration (Cass. Crim. 28 oct. n°1991 90-83.692).

En matière civile 

Dans le système accusatoire, qui régit le procès civil, les parties, doivent apporter la preuve de leurs prétentions, l’article 9 du Code de procédure civile énonce ainsi qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Le testing comme mode de preuve y est recevable.

En droit du travail, il est recevable au titre des éléments composant le faisceau d’indices devant être rassemblé par la victime d’une discrimination en application de l’article L. 1134-1 du Code du travail qui exige que lorsque la victime (le candidat à un emploi, à un stage ou à une formation en entreprise ou le salarié)  présente des éléments de faits laissant présumer l’existence d’une discrimination, « il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Aussi l’article 4 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 (tel que modifié par loi n°2017-86 du 27 janvier 2017) dispose que « toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Il en résulte donc une exception au principe de la loyauté de la preuve recevable devant les juridictions civiles aux fins de démontrer les comportements discriminatoires au moyen d’un test de discrimination.

Que faire après un test de discrimination positif ?

  • Vous pouvez saisir le Défenseur des droits qui pourra ouvrir une enquête et qui a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le sujet (Décision n° 2018-016 du 9 février 2018). Une fois que tous les éléments lui seront adressés, il pourra notamment demander à la personne mise en cause (employeur, propriétaire, etc.) de justifier la différence de réponse apportée aux différents profils. Il pourra également mener des auditions ou encore présenter des observations en justice.
  • Vous pouvez saisir la justice et présenter les résultats devant un juge pénal ou devant un juge administratif ou civil.
  • Vous pouvez faire appel à Equitas pour vous accompagner dans vos démarches juridiques.

RÉFÉRENCES APPLICABLES

Article 225-3-1 du Code pénal ; Article 9 du Code de procédure civile ; Article L. 1134-1 du Code du travail ; Article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; Décision du Défenseur des droits n° 2018-016 du 9 février 2018.

Jurisprudence : Conseil Constitutionnel décision n°2001-455 DC, 12 janvier 2002 ; Cass. Crim. 4 février 2015, n° 14-90048 ; Cass. Crim.11 juin 2002, n° 01-85.559 ; Cass. Crim. 7 juin 2005 n°04-87354 ; Cass. Crim. 28 février 2017 n°15-87378 ; Cass. Crim. 11 mai 2006 n° 05-84.837 ; Cass. ass. plén., 9 déc. 2019, n° 18-86767 ; Cass. Crim. 28 oct. n°1991 90-83.692.

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