La notion de victime n’est pas clairement définie dans les textes juridiques français.
Dans la définition donnée par l’Assemblée Générale des Nations Unies (résolution 40/34 du 11 décembre 1985), les victimes sont :
« Des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un État membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir ».
Aussi, la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 15 mars 2001, définit la victime comme « la personne qui a subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte matérielle, directement causé par des actes ou des omissions qui enfreignent la législation pénale d’un État membre ».
En droit pénal français, le terme « victime » renvoi surtout au plaignant ou à la partie civile, on parle aussi de partie lésée, le plus souvent il s’agit de la personne ayant souffert du dommage causé par une infraction.
La qualité d’une victime est donc reconnue lorsqu’une personne subit une infraction tel qu’un crime (homicide volontaire, viol par exemple), un délit (escroquerie, violences, harcèlement par exemple) ou une contravention (tapage nocturne, insultes non publiques par exemple).
En droit civil, la notion de dommage constitue une condition fondamentale de la mise en œuvre du droit de la responsabilité.
En matière civile ou pénale, la victime peut être une personne physique ou une personne morale (une association ou une société par exemple).
Le préjudice subi par la victime peut prendre différentes formes, il peut être :
- Corporel : il s’agit d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne, on parle aussi de préjudice physiologique ou fonctionnel. La victime peut se trouver dans l’impossibilité d’effectuer certaines activités de la vie courante, de manière provisoire ou définitive, et de manière partielle ou intégrale, comme l’impossibilité de pratiquer un sport par exemple. Cela peut résulter également en un préjudice esthétique tel qu’une cicatrice.
- Matériel : il s’agit d’une atteinte au patrimoine de la victime. Ce préjudice ouvre droit à une indemnisation dont la valeur est appréciée par le juge qui pourra prendre en compte la perte subie et le gain manqué. Ex. : détérioration de votre véhicule.
- Moral : il peut s’agir de l’atteinte à l’honneur ou à la réputation ou bien des souffrances morales, comme celles causées par le décès d’un proche par exemple.
Le préjudice corporel est souvent rattaché au préjudice moral en raison du fait que l’atteinte physique entraîne des conséquences sur la santé mentale ou la personnalité de la victime.
Le fait générateur du préjudice n’est pas toujours le même, il peut s’agir :
- D’une activité humaine, comme une catastrophe industrielle ou une infraction pénale ;
- D’un événement naturel, tel qu’une inondation ou un incendie ;
- D’un cas mixte, c’est-à-dire un événement naturel qui serait amplifié par l’action humaine.
Pour faire reconnaître sa qualité de victime, il convient donc de prouver l’existence du préjudice subi.
L’article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le préjudice n’est réparable que s’il répond à 4 critères, il doit :
- Porter atteinte à un intérêt légitime : la victime doit se trouver dans une situation conforme à la loi pour demander réparation. Ex. : une personne qui effectue un travail non déclaré ne peut pas en réclamer son salaire s’il n’a pas été versé ;
- Être certain : c’est-à-dire que le préjudice est déjà subi, mais dans certains cas il peut être futur et non hypothétique, ex. : un accident qui entraînera des conséquences certaines sur la santé de la victime ;
- Être personnel : seule la personne ou son représentant (ex. : les parents d’un enfant mineur) qui a subi le dommage peut en demander la réparation. Mais la jurisprudence reconnait aussi la victime indirecte.
- Être direct : le dommage est la conséquence directe du fait générateur qui l’a produit. Ex. : un véhicule est endommagé du fait de la chute d’un arbre. Le dommage causé au véhicule est bien le résultat du fait générateur qui est la chute de l’arbre.
La victime indirecte ou « par ricochet »
À côté des victimes directes (celles qui subissent personnellement et directement le dommage), figurent les victimes dites « indirectes », dites aussi victimes « par ricochet ».
La victime indirecte est celle qui n’a pas personnellement vécu l’événement mais qui subit un préjudice du fait des dommages causés à la victime directe du fait des liens étroits qu’elle partage avec elle. Il n’est pas nécessaire qu’il existe entre ces deux victimes des liens de droit (Cour de Cassation, Ch. Mixte, 27 février 1970, n° 68-10.276).
La jurisprudence a reconnu (Cour de cassation crim., 9 février 1989, n°87-81.359) qu’« il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que les proches de la victime d’une infraction de blessures involontaires sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant directement des faits objet de la poursuite ».
Par ailleurs, en matière civile, une victime indirecte peut s’appuyer sur une inexécution contractuelle au préjudice d’un proche pour agir en responsabilité délictuelle (Cass. civ. 1ère, 18 juillet 2000, n°99-12.135).
Les différentes catégories de victimes
La notion de victime est une notion large qui peut donc trouver à s’appliquer différemment en fonction de l’infraction ou du dommage subi. En effet, pour admettre la qualité de victime d’une infraction, il faut que l’infraction en cause soit caractérisée en tant que telle.
Exemple : pour qualifier une personne comme étant victime de harcèlement scolaire, il faut vérifier que les trois éléments qui caractérisent le harcèlement scolaire soient bien présents :
- La violence : il s’agit du rapport de force et de domination qui s’instaure entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes ;
- La répétition : les agressions doivent se réitérer régulièrement durant une période prolongée ;
- L’isolement de la victime : la victime est souvent isolée et se trouve dans l’incapacité de se défendre.
Dans ce cas, le harcèlement scolaire étant caractérisé, la personne qui le subit sera qualifiée de victime de harcèlement scolaire.
Autre exemple, pour être qualifiée de victime de discrimination, il faut là aussi que la discrimination soit caractérisée en répondant à certains critères, à savoir : une inégalité de traitement basée sur un critère prohibé par la loi et dans un domaine précisé par la loi. Une fois le statut de victime de discrimination établi, la personne pourra demander réparation du préjudice.
RÉFÉRENCES APPLICABLES
Art. 1146 et 1147 du Code civil (responsabilité contractuelle) ; Art.1382 et 1383 du Code civil (délits-quasi-délits) ; Articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; Art. L452-1 du Code de la sécurité sociale (accidents du travail) ; Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation
Résolution 40/34 du 11 décembre 1985 de l’Assemblée Générale des Nations Unies ; Décision-cadre du Conseil de l’Union européenne 15 mars 2001 ; Article 1240 du Code civil ; Cour de Cassation, Ch. Mixte, 27 février 1970, n° 68-10.276 ; Cour de cassation crim., 9 février 1989, n°87-81.359 ; Cass. civ. 1ère, 18 juillet 2000, n°99-12.135.